Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/298

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à la quiétude, à la joie franche, à la frugale abondance des véritables pasteurs, quelque loin de la perfection sociale que les retiennent et la superstition et plusieurs autres causes humaines.

Notre imagination fatiguée des vices et des misères qui composent l’histoire lamentable ou rebutante de tous les peuples policés, aime trop à se reposer sur les mœurs primitives des peuples nomades pour que ce sentiment, étranger à nos habitudes, ne soit pas dans la nature. Ceux de nous dont le goût plus altéré par les préjugés, méprise ces nations simples, et laissant les effets sublimes pour les formes riantes, méconnoît la majesté des monts, mais sait du moins se jouer avec la fleur des prairies ; ceux-là, dis-je, ne sont-ils pas émus d’attendrissement et de regrets aux peintures consolantes de nos pastorales ? Leurs préventions en font des chimères impossibles ; mais leur cœur aime ces prétendues chimères, et ils voudraient être pasteurs si, disent-ils, il en pouvoit exister. Hommage que la force du vrai arrache à leur erreur même, et qu’il n’obtiendroit pas sans elle, tant leurs autres préjugés ont d’empire ; car s’il existoit près d’eux un peuple d’Arcadie, ils rougiroient d’aimer