Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/308

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tout est grand, caractérisé, perdurable. Là, l’on voit planer l’aigle terrible et indomptable ; là l’on voit paître le chamois indomptable et paisible. Là subsistent les mœurs antiques des montagnards nomades. Là retentissent les accens du Ranz des vaches[1], et s’élèvent les chalets hospitaliers. Là fut jurée et aussitôt conquise la liberté publique. Là se trouvent la santé inaltérable et l’égalité réelle. Là, entre Vienne, Paris et Rome, la nature est encore entendue, l’homme est encore simple. Pasteurs d’Hasly et d’Underwalden, que vos fils soient long-tems semblables à vous, comme vous l’êtes

  1. Expression sublime et simple, plaisamment jugée par nombre d’habitans des plaines à qui sa langue est si étrangère. Cet air alpien est d’une antiquité immémoriale. C’est une sorte de tableau auditif des lieux, du caractère, des sensations, des goûts et des habitudes nomades dans les hautes vallées.

    J.-J. lui-même ne l’a pas entendu ; mais outre qu’il n’a pas connu les Hautes-Alpes, il n’a été J.-J. que dans un âge déjà avancé, peu accessible à un nouvel ordre de sensations, et il avoit passé vingt années dans l’étude de la musique actuelle. On trouve le Ranz des vaches noté dans son Dictionnaire de Musique ; heureusement là du moins il n’est que copié.