Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 302 )

romantiques[1] ; le mugissement des torrens fougueux, dans la sécurité des vallées ; la paix des monts en leur silence inexprimable,

  1. Je sais que beaucoup de gens traitent de manie sauvage le goût des montagnes, préférant les plaines parce que les voitures y roulent mieux, que l’on y voit plus de meules de blé, et que les rivières en sont plus marchandes ; je sais qu’un plus grand nombre encore voyent indifféremment toute terre, pourvu qu’elle présente des commodités et des ressources, et que les hommes y soient serviables ; et assimilant les champs de la Suède à ceux de l’Andalousie, et les bords du Gange aux rives du Labrador, vont indifféremment où leurs projets de fortune les appellent ; et quand ils se veulent fixer dans une contrée nouvelle, s’informent seulement comment on y couche et surtout comment l’on y mange. Voudrois-je leur faire changer de goûts ou leur persuader une opinion différente, nullement ; je pense au contraire que l’homme n’est heureux, qu’il n’est bien ordonné, que lorsqu’il n’y a pas de discordance entre son naturel en général et ses affections accidentelles, entre ses penchans et le but qu’il leur propose.

    Je reviens au pouvoir des sons sur l’homme. Des principaux modes apparens de sa faculté de sentir, je regarde l’ouïe comme celui qui le modifie le plus puissamment ; c’est celui qui excite dans ses organes les vibrations les plus marquées, celui par lequel surtout il se trouve à l’unisson ou discordant avec