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Contradiction et inintelligibilité dans un plan raisonné et des causes finales. Vanité de l’extension humaine dans des destinées mortelles. Anéantissement. L’idée comprimante de l’anéantissement, après ce délire qui nous fait embrasser dans nos conceptions un espace et une durée indéfinis, produit sur nous l’effet du retour de l’ivresse.

Indifférence et nécessité de toute chose. Les formes, les modifications peuvent être connues dans leurs rapports ; les essences ne peuvent l’être, parce qu’elles ne peuvent être comparées. Les êtres sont absolument, éternellement ; leurs agrégations se combineront dans tous les rapports possibles, et changeront sans aucun repos, sans aucune permanence.

Le beau, le juste sont des rapports accidentels, de pures abstractions de l’ordre social. Toutes choses sont égales dans l’universalité des choses. Et l’homme, et l’herbe, et le globe commencent, durent et finissent par les mêmes lois. Agrégation organisée. Est mue par l’action des autres corps et les meut par sa réaction. Tout mouvement est communiqué ; est reçu et rendu.

Les composés les plus organisés, conservant quelque trace des impressions reçues, ont le sentiment du moi, de la succession d’impulsions, ou assemblage de plusieurs traces présentement conservées d’impressions successives dans leur principe. Le sentiment de cette continuité devenu habituel, a produit le rêve de l’immortalité : la durée future de cette continuité étant nécessairement indéfinie dans notre imagination. L’individu ne sentant qu’en lui, doit d’abord juger plus grands les objets placés près de