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est sacrifié ; et pour laquelle les autres sont vouées aux misères, est elle-même la plus nécessairement misérable ; ainsi…[1].

Nos affections, résultat nécessaire de tout ce qui est, de tout ce qui fut en nous et hors de nous, sont déterminées par cent causes indépendantes de notre volonté ou qui même l’asservissent. Comment donc espérerons-nous la félicité dans cet état mobile et précaire où se perdent nos jours ? Il n’est point de félicité sans permanence. Le bien-être d’un moment ne fait que montrer le bonheur ; l’habitude de sa durée, source de confiance pour sa durée future, constitue seule la félicité en mettant l’ame dans cette situation qui lui fait aimer sa destinée et se complaire dans son existence. Si même il étoit possible de goûter sans interruption des plaisirs impétueux et toujours différens, cette succession de jouissances incertaines ne donneroit pas la félicité. Le cœur seroit trop agité pour jouir profondément, trop actif pour avoir un sentiment parfait d’ailleurs,

  1. Quelques-uns pressentiront les conséquences directes, quoi qu’éloignées, de la nature des sensations humaines ; mais ayant d’en déduire les véritables lois de l’ordre social, que de choses me restent à dire, encore pour espérer d’être entendu.