Page:Servières - Richard Wagner jugé en France, 1887.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Longchamps, le détachement des troupes du Tonkin, devant ces soldats bronzés, recuits par le soleil, ces marins décimés dans les rizières, ces turcos aux têtes ridées et grimaçantes, au teint bilieux, aux yeux de fièvre, d’entre une centaine de spectateurs deux ou trois seulement poussèrent un timide vivat auquel ne répondit ni un cri, ni un applaudissement. Cruelle pour des hommes qui avaient survécu à des combats meurtriers, aux atteintes d’un climat pernicieux, aux fatigues de la traversée, une telle indifférence m’avait froissé quand j’aperçus, à cinquante pas de là, une douzaine de gamins, en vareuse et pantalon de toile, — d’une société de gymnastique quelconque, — jouant au soldat devant la statue de Strasbourg, le plus agile hissant sur le socle un drapeau, le plus petit claironnant des sonneries… Je les aurais giflés !

Non ! ce n’est pas ce deuil de parade, cette mise en scène mélodramatique, ces bannières, ces écharpes, ces bambins sous les armes qui feront revivre en nous l’ardeur guerrière ! Un pays est bien près d’abjurer le sentiment national quand il a recours, pour le rendre tangible, à de grossières manifestations théâtrales, quand il arrive à en confier la garde à un entrepreneur de patriotisme chargé, moyennant un mo-