Page:Servières - Richard Wagner jugé en France, 1887.djvu/26

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Indépendamment de la rivalité d’intérêts, une autre considération a pu motiver la tiédeur récente des compositeurs français à l’égard d’un maître par eux naguère tant prôné. Pour expliquer la ruine de miss Smithson, devenue la directrice de la troupe anglaise qui jouait à Paris, en 1832, les pièces de Shakspeare, Berlioz, dans ses Mémoires, écrit ceci : — Non seulement les chefs de l’école romantique ne désiraient plus les apparitions du géant de la poésie dramatique, mais, sans se l’avouer, ils les redoutaient, à cause des nombreux emprunts que les uns et les autres faisaient à ses chefs-d’œuvre avec lesquels il était en conséquence de leur intérêt de ne pas laisser le public se trop familiariser. » Au lieu de Shakspeare mettez le nom de R. Wagner, substituez à l’école romantique la pléiade musicale qu’on a si longtemps appelée wagnérienne : ne serait-ce pas à un sentiment d’anxiété semblable qu’obéissent nos compositeurs, lorsqu’ils s’acharnent à repousser de nos théâtres le musicien génial dont le style a eu tant d’influence sur la formation de leur talent et dont ils ont si bien su s’approprier les procédés ?

Dans une lettre adressée à M. Super, rédacteur du journal l’Univers, datée il est vrai de 1880, M. Saint-Saëns a exprimé cette pensée