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SCÈNE XXIII.

Fanfare d’alarme. Entrent d’un côté Locrine, Assarachus et un soldat ; de l’autre, Guendeline et Thrasimchus ; Locrine et ses partisans sont repoussés. Puis Locrine et Estrilde reviennent effarés.
locrine.

— Ô belle Estrilde, nous avons perdu la bataille. — Thrasimachus a remporté la victoire, — et nous survivons pour être — la risée de nos ennemis. — Dix mille soldats, armés d’épées et de boucliers, — ont prévalu contre cent mille hommes. — Thrasimachus, écumant de fureur, fait rage parmi mes soldats défaillants, — pareil au farouche Mars alors que, couvert de son bouclier, — il combattit Diomède dans la plaine, — près des bords du Simoïs argenté.

Fanfare d’alarme.

— Ô aimable Estrilde, maintenant la chasse commence. — Jamais nous ne reverrons la majestueuse Troynovant ; — montés sur des coursiers tout chamarrés de perles ; — jamais nous ne reverrons la belle Concordia, — à moins que nous n’y soyons amenés captifs. — Locrine sera-t-il donc fait prisonnier — par un jouvenceau tel que Thrasimachus ? — Guendeline s’emparera-t-elle donc de ma bien-aimée ? — Non, jamais mes yeux ne verront cette heure affreuse, — jamais je n’assisterai à ce lamentable spectacle. — Je percerai d’abord mon cœur maudit — avec mon épée ou avec le tranchant de cette hache d’armes. — Ô vous, juges du Styx aux neuf replis, — qui par des tourments incessants suppliciez les âmes — dans l’insondable Abyssus, — vous, dieux qui commandez aux célestes sphères, — et dont les volontés et les lois sont irrévocables, — pardonnez, pardonnez à ce forfait maudit ; — oubliez, ô dieux, ce crime condamnable.

Baisant la lame de son épée.

— Et maintenant, ô mon épée, toi qui dans tant de batailles — as sauvé la vie de Brutus et celle de son fils, — termine l’existence d’un homme qui aspire à la mort, — donne