Page:Shakespeare, apocryphes - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1867, tome 3.djvu/124

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SCÈNE XXIII.

tué par une épée fatale, — ma mère frappée d’une blessure mortelle ! — Quel molosse de Thrace, quel barbare Myrmidon — ne s’apitoierait sur un si douloureux événement ? — Quel inflexible Achille, quel cœur de pierre — ne serait attendri par cette déplorable tragédie ? — Locrine, cette mappemonde de la magnanimité, — Estrilde, ce parfait modèle de la renommée, — cette merveille unique de la nature, dont le sein charmant était la chasse de la grâce et de la vertu céleste, — sont tous deux étendus sans vie dans cette sombre caverne ! — Et avec eux expirent la noble Pallas et le doux Amour ! — Voilà une épée, et Sabren a un cœur. — Cette épée bénie va percer mon cœur maudit — et envoyer mon âme vers les ombres de mes parents, — en sorte que ceux qui survivront et assisteront à notre tragédie — sympathisant avec nos malheurs par de sympathiques applaudissements.

Elle essaie de se frapper avec l’épée.

— Hélas ! mes mains virginales sont trop faibles — pour percer le rempart de mon sein ; — mes doigts, habitués à faire vibrer le luth amoureux, — n’ont pas la force de brandir ce glaive d’acier. — Ainsi, je demeure pour pleurer la mort de mes parents, — incapable que je suis de me donner la mort. — Ah ! Locrine, honoré pour ta noblesse ! — Ah ! Estrilde, fameuse pour ta constance ! — Malheur à ceux qui ont hâté votre fin !

Entrent Guendeline, Thrasimachus, Madan et des soldats.
guendeline.

— Cherchez, soldats, cherchez. Retrouvez Locrine et son amante ; — retrouvez cette fière prostituée, la concubine d’Humber, — que je fasse de ce charmant visage — une livide et ignominieuse figure ! — Retrouvez-moi le fruit de leurs maudites amours ; — retrouvez-moi la jeune Sabren,