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INTRODUCTION.

hostiles, la coterie pseudo-classique et la coterie puritaine.

Qu’est devenue la coterie pseudo-classique ? Qu’est devenue cette misérable cabale qui poursuivit de ses huées les premiers chefs-d’œuvre du grand poëte ? Celle-là est morte, et morte à jamais. L’oubli n’a que trop vengé Shakespeare des étranges attaques dont il fut l’objet à son aurore. Nul aujourd’hui ne se souvient de ce Greene qui appelait Shakespeare l’histrion au cœur de tigre ; nul ne se souvient de ce Nash qui mettait Hamlet au-dessous des tragédies de Sénèque, et quant à ce George Peele, l’Atlas de la poésie, c’est à peine si aujourd’hui les plus érudits savent les noms de ses opuscules.

Si la conspiration littéraire ourdie jadis contre Shakespeare a avorté, en est-il de même de la conspiration religieuse ?

Hélas ! non.

Le vieil ennemi de Shakespeare, cet ennemi qui, au seizième siècle, le calomniait, le persécutait et tâchait de le réduire à la misère, cet ennemi qui, de 1648 à 1660, fit fermer le théâtre anglais, — le puritanisme, — est toujours debout. Sans doute cet ennemi n’a plus la toute-puissance qu’il avait au temps du Long Parlement. Il ne gouverne plus la chambre des lords et la chambre des communes. Il a perdu le pouvoir de couper une tête royale et d’élever un brasseur à la dictature. Il ne peut plus dresser un échafaud, ni briser un spectre. Il ne peut plus lever les impôts ni les milices. Il ne fait plus de lois, il n’édicte plus de statuts. Il n’a plus d’armée sous ses ordres, et il ne peut plus faire trembler le sol anglais sous la charge irrésistible de ses Côtes de fer. Il ne peut plus brandir, au-dessus des peuples prosternés, l’épée régicide de Cromwell.

Mais, ne vous y trompez pas, ce que le puritanisme a perdu en puissance politique par la restauration des Stuarts, il l’a regagné depuis en influence morale. Grâce à