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LA TRAGÉDIE DE LOCRINE.

— en méconnaissant la cause de ma douleur. — Je ne crains pas de me livrer à la mort fatale ; — Dieu sait que c’est là le moindre de mes soucis. — Une inquiétude plus grande me glace jusqu’aux os — et me fait frissonner. — La cause de cette inquiétude, c’est vous, mes petits seigneurs.

thrasimachus.

— Très-noble prince, s’il est une chose que peuvent faire — vos pairs loyaux pour calmer vos angoisses, — je vous le déclare au nom de tous, — nous aurons le courage de l’entreprendre, — dussions-nous pénétrer dans le sombre Tartare, — où le triple Cerbère, à la gueule venimeuse, — épouvante les spectres de ses bruyants aboiements, — dussions-nous déchirer et fouiller les entrailles de la terre brute, — dussions-nous, audacieux émules des Ixion, — être chargés de chaînes d’un éternel acier.

brutus.

— Écoutez donc les dernières paroles de votre souverain ; — nous allons vous révéler à tous — notre royale pensée, notre ferme détermination. — Quand la radieuse Hébé, fille du grand Jupiter, — couvrait mes joues mâles d’un juvénile duvet, — le meurtre néfaste de mon malheureux père — nous chassa d’Italie, mon frère, le vieil Assarachus, et moi. — Exilé, nous fûmes contraints de fuir — dans les États du noble Pandrassus, le monarque grec. — Là, seul, je pris en main votre cause ; — là, je restaurai votre antique indépendance. — En vain la Grèce se fâcha ; en vain toute la Molossie se souleva ; — en vain le brave Antigone, avec sa bande martiale, — me rencontra, moi et les miens, en bataille rangée ; — en vain Pandrassus, et ses tributaires, — avec toute la multitude de leurs confédérés, — essayèrent de détruire notre glorieux souvenir — et d’effacer de la terre le nom des Troyen. — De mes propres mains je fis Pandrassus prisonnier, — et de vive force je l’obligeai à ratifier — certaines conditions que