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LA TRAGÉDIE DE LOCRINE.

jeune par les années, mais non par l’esprit, — parfait modèle de toute chevalerie, — prends pour ton domaine le nord, — pays couvert de montagnes et d’âpres rochers — et plein de bêtes féroces indomptées, — qui convient à ton âme martiale. — Puissiez-vous, mes fils, vivre dans une incessante prospérité — et maintenir entre vous une ferme concorde ! — Suivez les conseils de ces graves seigneurs — afin de mieux résister à la violence… — Mais soudain, à cause de la faiblesse de mon âge — et de la défaillance des forces vitales, — ma maladie s’aggrave, — et la mort cruelle hâte son pas, — pour me déposséder de ma force terrestre. — Mes yeux se troublent, envahis par les nuées de la vieillesse ; — les convulsions de l’agonie saisissent mes os brisés. — Je vous lègue à tous ma bénédiction, — et avec ma bénédiction, mon âme prête à s’envoler. — Mon sablier est épuisé, et toutes mes misères — finissent avec la vie ; la mort ferme mes paupières. — Mon âme s’enfuit en hâte vers les Champs-Élysées.

Il expire.
locrine.

— Astres maudits ! astres maudits et damnés, — qui abrégez ainsi la vie de mon noble père ! — Dieux inexorables, trop envieux destins — qui tranchez ainsi le fil des jours de mon père ! — Ce Brutus qui était notre gloire à tous, — ce Brutus qui était la terreur de ses ennemis, — le martial Brutus est privé de la vie, — trop tôt, hélas ! par le couteau de Démogorgon. — Les plaintes les plus touchantes ne peuvent émouvoir le juste Éaque.

corinéius.

— Les plus terribles menaces ne peuvent effrayer le juge Rhadamanthe. — Quand tu serais aussi fort que le puissant Hercule — qui domptait les monstres les plus énormes du monde, — quand tu toucherais le luth harmonieux aussi harmonieusement — que l’époux de la belle Euridice