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INTRODUCTION.

vaise édition, il l’empire en la tronquant dans huit endroits différents.

Il mutile Beaucoup de bruit pour rien autant que Richard II, en écourtant le texte de l’in-quarto de 1600. Egaré par cet in-quarto, il le suit même dans ses bévues ; c’est ainsi qu’il appelle indifféremment don Peter et don Pedro le prince d’Aragon, et qu’au beau milieu de la comédie, il substitue aux noms de deux personnages fictifs, Dogberry et Verges, les noms des comédiens Kempe et Cowley, chargés de remplir ces deux rôles.

Pour Romeo et Juliette, l’in-folio emploie-t-il le manuscrit de Shakespeare ? Nullement. Il reproduit mot à mot l’édition de 1609 qui elle-même calque l’édition de 1599. Et si scrupuleuse est cette copie qu’elle répète jusqu’aux absurdités du modèle. Ainsi, dans la plus illustre scène du drame, la scène du balcon, au moment le plus pathétique, l’in-folio estropie ainsi la déclaration de Juliette à Roméo :

« Ton nom seul est mon ennemi ; tu es toi-même et non un Montague. Qu’est-ce qu’un Montague ? Ce n’est ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un visage. Oh ! sois quelque autre nom appartenant à un homme ! Quoi ! ce que nous appelons une rose en un nom, sous un autre nom aurait un parfum aussi doux. »

Et il faut avoir recours à l’in-quarto « frauduleux » de 1597 pour recouvrer dans sa pureté première cette poésie exquise :

« Ton nom seul est mon ennemi ; tu es toi-même et non un Montague. Qu’est-ce qu’un Montagne ? Ce n’est ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un visage, ni rien qui fasse partie d’un homme. Oh ! sois quelque autre nom ! Qu’y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons une rose, sous un autre nom aurait un parfum aussi doux. »

Pour le Roi Lear et pour Hamlet, le cas est différent. L’in-folio imprime en effet son texte sur deux manuscrits, qui lui sont spéciaux ; mais ces deux manuscrits écourtés pour les prétendues convenances de la représentation ne