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LES DEUX NOBLES PARENTS.

que s’il avait perdu sa mère ; un tempérament inerte ; — en lui pas de mouvement, pas de vivacité ; — il n’a rien de cette pénétrante animation, pas même un sourire.

Elle regarde le portrait de Palémon.

— Pourtant ce que nous appelons imperfection peut plaire chez lui : — Narcisse était un triste enfant, mais il était céleste… — Oh ! qui pourrait connaître les détours du caprice féminin ?… — Je suis une folle, ma raison s’est égarée en moi… — Je n’ai pas fait de choix, et j’ai menti si impudemment — que toutes les femmes devraient me battre. À genoux — je te demande pardon, Palémon ! Tu es seul — beau, et d’une beauté unique… Voilà bien tes yeux, — ces lampes éclatantes de beauté, qui imposent — et fulminent l’amour, et quelle jeune fille oserait leur résister ? — Quelle gravité hardie, et attrayante pourtant, — à cette brune et virile figure ! Ô amour ! voici — désormais l’unique carnation !… Arrière, Arcite ! — Près de lui tu es un enfant perdu, un pur bohémien… — Et voilà la noble personne !… Je suis affolée, — complètement égarée ! Ma virginale véracité m’a fuie. — Car, si mon frère m’avait tout à l’heure demandé — qui j’aimais, j’aurais nommé frénétiquement Arcite ; — et si ma sœur me faisait la même demande maintenant, je préférerais Palémon.

Elle compare les deux portraits.

— Mettons-les tous les deux l’un près de l’autre… Maintenant, mon frère, faites-moi la demande… — Hélas ! je ne sais que dire… Maintenant faites-la-moi, chère sœur… — Que je regarde encore ! Quel enfant gâté que cet amour, — qui, entre deux hochets d’un charme égal, — ne peut faire de choix, mais crie pour les avoir tous deux !

Entre un gentilhomme.

— Eh bien, monsieur ?