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LE CONTE DU CHEVALIER.

accepter de rançon, les envoya aussitôt à Athènes pour qu’ils y fussent détenus dans une prison perpétuelle. Cela fait, le digne duc rassembla son armée, et retourna dans son pays, couronné de lauriers comme un conquérant, et là il vécut en joie et en honneur toute sa vie. Que dirai-je de plus ?

Dans une tour, en proie aux angoisses et à la désolation, Palémon et Arcite étaient enfermés ensemble pour toujours, sans espoir de rachat…

Ainsi s’écoulèrent les années et les jours, jusqu’à une certaine matinée de mai, où apparut Émilie, plus éclatante que le lis sur sa tige verte, et plus belle que Mai fleuri lui-même. Avant le jour, comme c’était son habitude, elle était levée et déjà vêtue. Car Mai ne veut pas de nuit paresseuse ; la saison alors stimule tout gentil cœur, et le force à s’arracher au sommeil, et lui dit : Lève-toi, et fais ton devoir. Aussi Émilie n’avait pas manqué de se lever pour faire honneur au mois de Mai. Elle était vêtue de neuf et à ravir. Sa chevelure blonde était ramassée, derrière ses épaules, en une tresse longue, à peu près d’une verge. Et dans le jardin, au soleil levant, elle errait en tous sens à sa guise. Elle cueillait des fleurs blanches et roses, pour s’en faire une gracieuse couronne, et comme un ange, elle chantait divinement. La grande tour si épaisse et si forte, qui était le principal donjon du château où, comme je vous l’ai dit, étaient emprisonnés les chevaliers, était contiguë au mur du jardin où Émilie se livrait à ses ébats.

Le soleil brillait ; la matinée était splendide, et Palémon, ce triste prisonnier, selon sa coutume, avec la permission de son geôlier, s’était levé et se promenait dans une chambre d’en haut, d’où il voyait toute la noble cité et le jardin verdoyant où la charmante Émilie faisait sa promenade. Ce malheureux prisonnier, ce Palémon errait donc dans sa chambre, se plaignant de son infortune, et déplorant