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LE CONTE DU CHEVALIER.

fin. Voyez aussi l’homme et la femme aux deux termes de l’existence, c’est-à-dire dans la jeunesse ou dans la vieillesse : il faut qu’ils meurent. Le roi doit succomber comme le page. Celui-ci doit mourir dans son lit, celui-là dans la mer profonde, cet autre dans la vaste plaine. Rien n’y peut. Tout doit prendre ce chemin. Aussi puis-je dire que tout doit mourir. Qui fait cela, si ce n’est Jupiter, le roi ? C’est lui qui est le principe et la cause de toute chose, transformant tout selon sa propre volonté, de qui tout émane. Et contre ses arrêts nulle créature vivante, de quelque degré qu’elle soit, n’a que faire de lutter. Il est donc sage, ce me semble, de faire de nécessité vertu et de prendre notre parti de ce que nous ne pouvons éviter et de ce qui nous est réservé à tous. Et quiconque murmure commet une folie en se révoltant contre le dispensateur de toute chose. Et certes la gloire suprême pour un homme, c’est de mourir dans son excellence et dans sa fleur, en possession de sa bonne renommée. Pourquoi alors nous désolons-nous, quand Arcite, la fleur de la chevalerie, est sorti, avec loyauté et honneur, de la sombre prison de cette vie ? Et pourquoi donc son cousin et sa dame, qui l’aiment tant, s’affligent-ils du bonheur qui lui arrive ? Doit-il leur en être reconnaissant ? Leur douleur est une offense à son âme, une offense à eux-mêmes ! Et pourtant ils ne peuvent réformer leur émotion. Pour conclure ce long discours, j’entends que la gaîté succède à la tristesse et que nous remercions Jupiter de toutes ses grâces. Et avant que nous quittions ce lieu, j’entends que nous fassions de ces deux infortunes un bonheur parfait et à jamais durable… Sœur, ajouta-t-il, ceci est ma pleine volonté, avec l’assentiment de mon parlement ici présent, que vous accordiez votre gracieuse sympathie au gentil Palémon, votre chevalier, qui, depuis qu’il vous connaît, n’a cessé de vous servir et vous sert encore avec tout son dévouement, tout son cœur, toute son