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LES APOCRYPHES.

muet et a été condamné à être pendu ; en vertu de laquelle sentence il a été exécuté au château d’York le 5 août. »

C’est sur ce fait historique qu’est fondée une Tragédie dans l’Yorkshire. Le drame va nous donner les raisons de la catastrophe, sèchement relatée par la chronique. Quel a été le mobile du forfait commis par Calverly ? De quel vertige a-t-il été saisi ? Quelle fureur s’est emparée de ce gentleman, et en a fait le plus épouvantable criminel ? Écoutez ; le drame commence. Le mari entre dans l’appartement de sa femme et, dès son premier cri, nous révèle toute la situation.

— Peste soit du dernier coup ! il a fait évanouir cinq cents anges d’or de ma vue. Je suis damné, je suis damné ! Les anges m’ont abandonné !

Cet homme est un joueur. Il est possédé par cette passion fatale qui dessèche et brûle le cœur. Il est désormais insensible à toutes les affections et à toutes les tendresses humaines : il ne connaît plus ni parent ni ami. Fi de la famille ! Peste soit du foyer domestique ! Il ne se croit plus le père de ses enfants, et il traite leur mère de catin. Que lui importent les gémissements de cette créature ! Il lui faut de l’argent, il en aura. Sa femme a encore ses bijoux et sa dot : il faut qu’elle lui livre tout cela. En vain l’infortunée le supplie de songer à l’avenir de ses trois fils :

— Peuh ! des bâtards ! des bâtards ! des bâtards ! nés d’intrigues ! nés d’intrigues !

— Le ciel sait combien vos paroles m’outragent, mais j’endurerai cette douleur entre mille autres. Oh ! songez que vos terres sont déjà engagées, que vous-même vous êtes criblé de dettes, que votre frère, si plein d’avenir, a souscrit des billets pour vous et peut être arrêté. Et puis…

— As-tu fini, prostituée ? Penses-tu que tes paroles tueront mes désirs ? Va retrouver tes parents ; va mendier