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INTRODUCTION.

présentent depuis plus de deux siècles à la curiosité des érudits, et je puis sans témérité affirmer la solution qui m’a été, en quelque sorte, suggérée par la plus patiente étude.

La fable qui fait le sujet principal des Deux nobles parents a le même caractère et a eu presque les mêmes destinées que le roman de Troylus et Cressida. Issue, comme ce roman, de l’imagination gréco-latine, elle participe, comme lui, de l’antiquité et du moyen âge dont elle résume les deux traditions, en donnant aux héros du monde païen les mœurs de la chevalerie féodale. Comme ce roman, elle a été importée de Grèce en Italie, et d’Italie en Angleterre ; comme lui, avant d’inspirer Shakespeare, elle avait inspiré Chaucer ; avant d’inspirer Chaucer, elle avait inspiré Boccace.

Qui connaît aujourd’hui la Théséide, ce poëme épique que l’auteur du Décaméron dédie à la Fiammetta, par une épître datée de Naples, le 15 avril 1341, et qui, après avoir circulé en mille manuscrits du quatorzième siècle au quinzième, fut imprimé à Ferrare en 1475 ? Qui d’entre vous a lu les dix mille vers de ces douze chants que savaient par cœur les contemporains de Pétrarque ? Eh bien, c’est cet ouvrage, jadis si illustre, aujourd’hui si ignoré, qui a révélé à l’Europe barbare la fable jusque-là ensevelie dans quelque grimoire byzantin. Secouons donc la poussière quatre fois séculaire qui couvre cette Iliade oubliée, et feuilletons-en rapidement les pages vermoulues. — La Théséide commence par une pompeuse description de la guerre entreprise par Thésée contre les Amazones. Thésée triomphe et épouse Hippolyte. Mais le peuple d’Athènes commence à se plaindre de l’absence prolongée de son bon duc qui guerroie depuis deux ans en Scythie, et Thésée, ayant entendu dans une vision l’appel de son frère d’armes Pirithoüs, revient immédiatement à Athènes avec Hippolyte et sa sœur, la charmante Émilie. Entrée triomphale. En passant devant le temple de la Clémence, le