Page:Shakespeare, apocryphes - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 2.djvu/177

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SCÈNE III.

meil des siennes. — Puis, alors qu’un crainte respectueuse la faisait pâlir, — les joues royales revêtaient leurs ornements écarlates ; — mais cette rongeur ne ressemblait pas plus à l’orientale rongeur de l’autre — que la brique au corail, que la couleur vive à la couleur amortie. — Et pourquoi donc son visage contrefaisait-il ainsi ce charmant visage ? Si elle rougissait, c’était par une tendre timidité, confuse qu’elle était — de se trouver dans la présence sacrée d’un roi ; — s’il rougissait, lui, c’était d’une impure honte, confus qu’il était — de lancer, lui roi, de si coupables regards. — Si elle pâlissait, c’était par une inquiétude toute féminine, — ayant à se tenir devant un roi. — S’il palissait, lui, c’était par l’inquiétude du remords ; — en s’abandonnant, lui, ce puissant roi, à une passion coupable. — Donc, adieu la guerre d’Écosse ! je crains bien qu’elle ne soit remplacée — par le languissant siége anglais d’un amour revêche. — Voici son altesse qui vient, se promenant toute seule.

Entre le roi Édouard.
ÉDOUARD, à part.

— Elle a encore embelli depuis mon arrivée ; — sa voix devient plus argentine, à chaque mot qu’elle profère ; — son esprit, plus vif. Quel étrange récit — elle a fait sur David et les Écossais ! — C’est ainsi, disait-elle, qu’il parlait, et alors elle contrefaisait le grasseyement, — les locutions et l’accent de l’Écossais, — mais en y mettant une grâce qu’un Écossais ne peut avoir. — Et voici, ajoutait-elle, ce que je répondis, et elle nous disait elle-même sa réponse. — Car qui pourrait parler comme elle ? Elle seule — peut entonner, du haut d’une muraille comme du fond du ciel, l’angélique fanfare — d’un si harmonieux défi à ses barbares ennemis. — Quand elle parle de paix, il me semble que sa bouche — mettrait la guerre aux arrêts ;