Page:Shakespeare, apocryphes - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 2.djvu/181

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SCÈNE III.

— Eh bien, Lodowick, as-tu fait de l’or avec ton encre ? — Sinon, tu n’as qu’à écrire en lettres capitales — le nom de ma maîtresse, — et cela dorera ton papier… Au nom du ciel, lis, lis, — emplis mon oreille vide — de la douce harmonie de ta poësie.

lodowick.

— Je n’ai pas encore terminé son éloge.

édouard.

— Son éloge est, comme mon amour, infini : — l’un et l’autre s’élèvent à des hauteurs si extrêmes — qu’ils dédaignent tout terme. — Sa beauté n’a d’égale que mon affection ; — sa beauté est plus que suprême, et plus que suprême est mon affection. — Terminer son éloge ! On aurait plutôt fait de philtrer la mer goutte à goutte, — et même de réduire la masse de la terre en grains de sable — et de supputer tous les grains. — Pourquoi parles-tu de terme — devant ce qui réclame une admiration illimitée ? — Lis ! nous t’écoutons.

LODOWICK, lisant.

Plus belle et plus chaste que la reine des ombres…

édouard.

— Ce vers contient deux fautes grossières et palpables — Eh quoi ! tu la compares à la pâle reine de la nuit, — qui n’a d’éclat que parce qu’elle est entourée de ténèbres ! — Quand le soleil lève la tête, qu’est-elle, cette reine, — sinon un lumignon terne, blafard et amorti ? — Ma bien-aimée, elle ; braverait l’œil du ciel à midi, — et n’aurait qu’à se démasquer pour éclipser le soleil d’or.

lodowick.

— Quelle est l’autre faute, mon souverain seigneur ?

édouard.

— Relis le vers.