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SCÈNE III.

la comtesse.

— Si c’est de ma beauté, prends-la, si tu peux. — Quelque mince qu’elle soit, le prix que j’y attache est dix fois plus mince, — Si c’est de ma vertu, prends-la, si tu peux ; — car la vertu s’enrichit même en donnant. — Si tu es épris d’une chose quelconque que je puisse donner, — et si tu peux l’enlever, elle appartient.

édouard.

— C’est ta beauté que je voudrais posséder.

la comtesse.

— Oh ! si elle n’était que peinte, je l’essuierais de ma joue, — et je m’en déferais pour te la donner ; — mais, ô souverain, elle est soudée à ma vie. — Pour avoir l’une, il faut prendre l’autre ; car cette beauté n’est qu’une ombre bien humble — qui hante le rayon d’été de ma vie.

édouard.

— Mais tu peux me la céder pour que j’en jouisse.

la comtesse.

— Je pourrais aussi aisément aliéner — mon âme immatérielle sans faire mourir mon corps — que céder mon corps, ce palais de mon âme, — sans perdre mon âme. — Mon corps, c’est le berceau, le palais, le monastère de mon âme, — et elle, c’est un ange pur, divin, immaculé ; — si je te cède ainsi son sanctuaire, mon seigneur, — je tue ma pauvre âme, et, avec ma pauvre âme, je me tue.

édouard.

— N’as-tu pas juré de me donner ce que je voudrais ?

la comtesse.

— Oui, mon suzerain, mais à condition que, ce que vous voudriez, je pusse le donner.

édouard.

— Je ne désire de toi que ce que tu peux donner : — ton amour ; et ce n’est pas même un don que je te demande,