Page:Shakespeare, apocryphes - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 2.djvu/236

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ÉDOUARD III.

— et leur ensemble n’est que la force d’un seul homme. — Celui qui a une longue marche à faire, la mesure par milles ; — s’il la mesurait par pas, cela tuerait son courage. — Les gouttes d’eau qui font une averse sont infinies ; — et pourtant, tu le sais, nous ne les appelons qu’une pluie. — Il n’y a qu’une France, et qu’un seul roi de France, — la France n’ayant pas plusieurs maîtres ; et ce roi unique — n’a que le puissant cortége d’un roi ; — nous aussi, nous avons le nôtre. Ne crains donc pas de disproportion ; — un contre un, c’est la stricte égalité.

Èntre un Héraut.

— Quelles nouvelles, messager ? Sois net et bref.

le héraut.

— Le roi de France, mon souverain seigneur et maître, — salue ainsi par ma bouche son ennemi le prince de Galles : — si tu veux réunir cent hommes de marque, — seigneurs, chevaliers, écuyers, gentilshommes anglais, — et toi-même venir avec eux te jeter à ses pieds, — il consentira à replier sur-le-champ ses drapeaux sanglants, — et la rançon rachètera les existences sacrifiées. — Si tu ne veux pas, cette journée sera abreuvée de plus de sang anglais — que n’en ensevelit jamais le sol britannique. — Quelle est ta réponse à cette offre de miséricorde ?

le prince de galles.

— Ce ciel, qui couvre la France, renferme la seule miséricorde — qui obtienne de moi d’humbles prières. — À Dieu ne plaise que mes lèvres laissent échapper un murmure assez vil — pour solliciter la miséricorde d’un homme ! — Retourne dire à ton roi — que ma langue est d’acier et que c’est de son lâche cimier — que je réclamerai ma grâce ; — dis-lui que mes étendards sont aussi rouges que les siens, — mes hommes aussi hardis, et nos bras anglais aussi forts. — Rejette-lui mon défi à la face.