Page:Shakespeare, apocryphes - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 2.djvu/394

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
396
APPENDICE.

larmes, qui vous arrosent la face, et chassez la tristesse de votre cœur ; car je ne suis arrivé ici les mains vides, ains semble que les dieux m’aient inspiré pour le salut de cette cité, d’aborder en son havre, où j’ai conduit cent mille mesures de blé, lesquelles j’élargirai à vos citoyens, pourvu que loyalement ils cèlent ma fuite, et qu’ils ne me livrent point à mon adversaire.

Cette nouvelle fut si plaisante à Stragulion, qu’il voulut s’agenouiller devant Apollonie pour le remercier ; mais il l’empêcha. Au reste, il l’assura que, s’il les délivrait de la famine, non-seulement ils le cèleraient en leur ville, ains, si le roi de Syrie voulait le poursuivre, ils le défendraient à main-forte jusqu’au dernier soupir de leur vie. Ce fut lors qu’Apollonie est logé, traité et caressé, et par Stragulion, et par les Tharsiens, auxquels il fait entendre son fait et les causes de sa fuite, les priant de le sauver et défendre, ajoutant qu’en récompense de cette faveur, il leur donnerait cent mille mesures de blé. Non-seulement fut Apollonie reçu par les Tharsiens, ains lui jurèrent tous en l’assemblée commune de plutôt mourir qu’endurer que mal aucun advînt à celui qui leur conservait si libéralement la vie.

Voyez ici Apollonie, au milieu de son désastre, jouir de tout aise, aimé et honoré de chacun, ne craignant personne et faisant peu de compte des menaces et menées du roi Antiochus, voire ne se souciant plus que de se donner du bon temps, d’étudier, courir en la stade à la façon ancienne des Grecs, lutter, sauter, aller à la chasse, piquer chevaux, faire la musique et s’exercer à tout ce qui est séant à la noblesse. Stragulion, qui aimait Apollonie autant que soi-même, pour lui donner plus de plaisir, lui dit que la cité des Cyrénéens était la plus gentille, et courtoise de tout le pays, et où les études froissaient autant et plus qu’en Grèce, et la noblesse y étant beaucoup plus gaillarde et compagnable, beaucoup plus que celle de Tharse, enflamma