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APPENDICE.

contempler son habitude, devant lequel Apollonie s’humiliant, le pria d’avoir compassion de lui.

— Afin, dit-il, que vous sachiez à qui vous avez fait grâce et plaisir, je suis Apollonie, prince des Tyriens et le plus infortuné adolescent qui sortit jamais de ventre de mère.

Le pêcheur, ayant compassion de ce pauvre seigneur, pour le voir tremblant de froid, languissant et affamé, le prend par la main, le conduit en sa cabane et loge basse et rustique, faite de mottes de terre, et couverte de roseaux ; il l’échauffa et donna à souper, et le refit au mieux qu’il lui fut possible, tant le droit d’hospitalité était gardé en ce temps-là. Le lendemain matin, le pêcheur n’ayant qu’un sien pauvre accoutrement pour couvrir le corps nu de son hôte, lui en fit présent et lui dit :

— Mon gentilhomme, si j’avais mieux que ceci, le grand Jupiter sait que je vous l’offrirais, et pour ce, allez-vous-en vers la cité, et là, peut-être, trouverez-vous quelque bonne rencontre ; sinon, revenez ici, et je vous ferai part de ma fortune, comme aussi vous me donnerez aide, en l’art avec lequel je gagne, comme je puis, ma vie ; vous priant néanmoins que, lorsque vous serez jouissant de vos aises et grandeurs, il vous souvienne de moi et de ce que je fais, et espère faire pour votre contentement.

— Aux dieux ne plaise, dit Apollonie, que jamais le prince tyrien soit blâmé d’ingratitude ! Et plutôt me vienne saisir la mort, que je mette en oubli la courtoisie que tu m’as faite, me recevant et traitant si bien en ta pauvre maisonnette !

Ce qu’ayant dit et remercié cent mille fois son hôte de sa réception, il s’en va vers la cité avec intention et désir de trouver quelque meilleure fortune.

Or, le même jour qu’Apollonie, équipé de l’habillement du pêcheur, entra dedans Cyrène, il entendit le héraut qui criait et annonçait aux citoyens de condition franche l’ouverture du pas ou lieu public pour la lutte, et pour le jeu