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APPENDICE.

qu’avec son honnêteté, larmes et prières, elle garda sa virginité au milieu des rufiens, et se maintint pudique, où les autres faisaient prodigues largesses de leur chasteté : de sorte que le seigneur même de la ville devenu amoureux d’elle et elle lui ayant raconté son désastre l’aidait de ses moyens, l’entretenant et fournissant à la convoitise du maître de cette fille ; laquelle fut (le maquereau ayant su comme elle s’était conservée en son intégrité) en grand danger d’être violée et déflorée par celui qui avait la charge des filles, mais elle le gagna à force d’argent, et par la douceur et véhémence de son beau parler, joiant qu’il n’osait passer outre, voyant qu’Athénagore, chef de la ville, aimait Tharsie, qui la supportait et nourrissait, et empêchait qu’elle ne fût violée.

Or tandis que Tharsie était entre les garses et filles de joie de Metelin, voici Apollonie son père, qui jusqu’alors n’avait cessé de courir tout le devant pour savoir nouvelle du sépulcre de sa femme, et qui de vœu fait solennellement, n’avait coupé ni sa barbe, ni ses cheveux ; lequel désireux de voir sa fille, et se réjouir à son mariage, revint à Tharse et fut loger secrètement chez son ancien hôte Stragulion, pensant y trouver celle pour laquelle il s’était résolu de quitter cette vie vagabonde. L’arrivée d’Apollonie étonna son hôte, lequel sachant le forfait de sa dame, aima mieux le dissimuler que la faire punir, et par même moyen feignant eux deux ce qu’ils avaient fait entendre aux Tharsiens, ayant reçu Apollonie, et l’ayant enquis de sa fille, lui firent le discours de sa mort, de sa sépulture, et du grand devoir des Tharsiens, lui dressant un tombeau digne de la maison dont elle était issue. Ce dolent père fut tellement saisi de cette douleur inespérée, qu’à peu qu’il ne se forfît et occît, étant arrivé au lieu où on lui fit entendre que gisaient les cendres de son enfant : d’autant qu’il déchirait ses habits, arrachait ses cheveux, battait son es-