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LES APOCRYPHES.

ment devant un gros taillis ; mais, par un singulier hasard, Blackwill se trompa de chemin, et Arden revint chez lui sain et sauf. C’était la cinquième fois qu’il esquivait la mort. Cependant mistress Arden s’impatientait ; elle récriminait contre la lenteur des meurtriers ; elle voulut en finir à tout prix, et il fut décidé qu’Arden serait égorgé dans sa propre maison. Ce projet, d’une incroyable audace, fut exécuté, et, le dimanche 15 février 1551, vers sept heures du soir, tandis que maître Arden faisait une partie de tric-trac avec Mosby, les brigands, apostés à la porte du parloir, se précipitèrent sur le malheureux homme, à un signal convenu, et l’étranglèrent avec une serviette. Mistress Arden et Mosby aidèrent à achever la victime, qui expira après la plus effroyable lutte. Le meurtre commis, il fallut faire au plus vite disparaître le cadavre. On l’emporta dans un champ voisin de l’abbaye. Mais il neigeait, et la trace des pas, imprimée dans la neige, indiqua le lieu du crime et fit découvrir les coupables. Alice Arden, Mosby, Michel, la sœur de Mosby, et un certain Bradshaw, furent immédiatement arrêtés et jugés par une commission spéciale qui tint ses assises à l’abbaye. La condamnation fut terrible. Mosby et sa sœur furent pendus ; Michel Saunderson fut roué et pendu ; Bradshaw, qui était parfaitement innocent, fut étranglé ; enfin mistress Arden fut brûlée vive. Greene et Blackwill, qui étaient parvenus à s’évader, furent rattrapés plus tard et exécutés. Shakebag seul échappa à toutes les recherches de la justice. — Deux ans après le meurtre, on voyait encore l’empreinte du cadavre de maître Arden nettement dessinée sur le gazon du pré où il avait été déposé, et les gens du pays faisaient la remarque que ce pré avait été injustement enlevé par maître Arden à un pauvre paysan appelé Read, — action inique qui n’avait été que trop durement chatiée !

Telle est, en résumé, la lamentable histoire qu’Holinshed a racontée en huit grandes colonnes dans son histoire d’An-