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LES APOCRYPHES.

lui demanda s’il avait fermé la porte, et il répondit oui ; mais, ensuite, craignant que Blackwill ne le tuât comme son maître, il se releva, après s’être couché, et ferma hermétiquement la porte. » Cette indication si brève de l’historien est magistralement mise à profit par l’auteur du drame : — maître Arden est couché et endormi ; le moment fixé pour l’assassinat approche ; Michel a laissé la porte d’entrée ouverte ; une méchante chandelle projette sa clarté blafarde sur le seuil sépulcral ; Michel attend à toute minute l’arrivée des bandits ; mais peu à peu l’horreur du forfait imminent l’envahit ; il se rappelle combien son maître a été bon, et il ne peut s’empêcher de plaindre ce brave homme qui eût tant mérité de vivre. Il voit déjà les assassins se ruer sur la victime, et il assiste mentalement à cet épouvantable égorgement. Alors une réflexion subite le frappe : où s’arrêteront ces bandits ivres de sang ? Après avoir tué le maître, n’ont-ils pas intérêt à tuer le valet, pour rendre toute dénonciation impossible ? « Il semble que déjà on les entend demander où est Michel, et l’impitoyable Blackwill s’écrie : Tuez ce misérable ! le maroufle révélera le meurtre ! Les rides sur ce front hideux et menaçant sont comme des tombes ouvertes pour engloutir les hommes. Ma mort pour Blackwill ne sera qu’un jeu, et il m’assassinera Pour s’amuser… Il vient ! il vient ! Ah ! mon maître, au secours ! appelez les voisins, ou nous sommes morts ! » Au cri poussé par Michel, Arden saute à bas du lit et accourt. Il demande au valet quelle est la cause de sa frayeur. Le maraud, qui n’ose avouer sa complicité, donne pour prétexte un mauvais rêve ; il s’est cru, dans son sommeil, attaqué par des brigands qui voulaient l’assassiner, et il a été tellement terrifié qu’il en tremble encore et que ses jambes se dérobent sous lui. Arden, inquiété, demande à Michel s’il a bien verrouillé la porte de la mai-