Page:Shakespeare, apocryphes - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 2.djvu/76

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PÉRICLÈS.

cléon.

Ô Dionysa, — qui donc, ayant besoin de nourriture, ne dira pas qu’il en a besoin ? — Qui donc cachera sa faim jusqu’à ce qu’il en meure ? — Que nos voix désolées fassent retentir nos douleurs — dans les airs ; que nos yeux les pleurent, jusqu’à ce que nos poumons — aient repris haleine pour les proclamer plus haut encore ; et alors, — si le ciel dort tandis que ses créatures souffrent, — sa miséricorde se réveillera peut-être pour leur porter secours. — Je vais donc exposer les maux subis par nous depuis plusieurs années ; — toi, si l’haleine me manque en parlant, soutiens-moi de tes larmes.

dionysa.

Je ferai mon possible, seigneur.

clèon.

— En cette cité de Tharse, dont j’ai le gouvernement, — régnait naguère une pleine abondance ; — ses rues même étaient jonchées de richesses ; — ses tours élevaient si haut leurs têtes, qu’elles baisaient les nues, — et que les étrangers ne pouvaient les voir sans surprise ; — ses hommes et ses dames se pavanaient sous de si brillants atours — qu’ils semblaient se mirer les uns dans les autres ; — leurs tables étaient surchargées de manière à charmer la vue, — et moins pour rassasier que pour flatter l’appétit ; — toute pauvreté était dédaignée ; et la vanité si grande — qu’y parler d’assistance y était chose odieuse.

dionysa.

Oh ! ce n’est que trop vrai.

clèon.

— Mais voyez ce que le ciel peut faire ! Par un brusque changement, — ces estomacs, que naguère la terre, la mer et l’air — étaient impuissants à contenter et a satisfaire, — si prodigues qu’ils fussent de leurs dons, — dépérissent maintenant faute d’exercice, — comme ces maisons qui se