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SCÈNE IV.

à bon port ; — je les ai envoyés de Londres à maître Cromwell — afin que, si le vent me retenait en mer, — il pût arrêter l’autre avant que je fusse arrivé. — Et justement, voici celui que je cherche. Dieu vous garde, monsieur !

Entre Cromwell.
cromwell.

— Et vous aussi. Mais pardon… je ne vous connais pas.

bagot.

— C’est possible, monsieur, mais mon nom est Bagot. — Je suis l’homme qui vous a envoyé les billets en souffrance.

cromwell.

— Oh ! l’homme qui poursuit Banister ! — Voici les billets que vous m’avez envoyés. — Quant à lui, vous savez très-bien où il est. — On rapporte que vous avez un cœur de pierre, — une âme qui ne se laisse pas fléchir par la pitié, — des yeux qui ne savent pas verser une larme, — une main toujours ouverte pour le lucre. — Mais, maître Bagot, si vous m’en croyiez, — vous modifieriez tout cela en sens inverse ; — votre cœur éprouverait toujours un sentiment de compassion ; — votre âme, d’accord avec votre fortune, serait généreuse — pour ceux qui sont dans le besoin et dans la détresse ; — votre main assisterait toujours ceux qui n’ont rien, — au lieu de les accabler sous vos coups ; — enfin vous rendriez toujours le bien pour le mal. — C’est ce que je ferais, moi. Pardon si je vous dis ce que je pense.

bagot.

— Vous parlez, monsieur, pour savoir ce que je répondrai ; — mais il faut, je le sais, que vous viviez aussi bien que moi. — Je sais que l’exaction est votre métier, — et qu’un homme n’est pas en sûreté ici, — s’il ne s’astreint à mentir et à jouer au fin avec son meilleur ami. — Fi de la pitié ! Prescrivez toute conscience ! — Pourtant je recom-