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LES APOCRYPHES.

tour de Londres, et l’exécution de Marie Stuart. Les derniers vers de la pièce, — ces vers, animés d’un patriotisme farouche, par lesquels sont voués à l’exécration publique tous ceux « qui, pour leurs secrètes amours, osent troubler l’Angleterre », — me paraissent contenir une allusion terrible à la passion chevaleresque qui fit du comte de Northumberland le champion malheureux de la reine d’Écosse captive. Cette dénonciation fanatique, si peu d’accord avec la magnanimité reconnue de Shakespeare, fixe approximativement à l’année 1585 la première représentation de Locrine. La pièce, qui fit dès lors partie du répertoire anglais, fut reprise avec un certain éclat vers 1594, ainsi que l’indique le titre de l’édition publiée en 1595, et c’est pour cette reprise que le poëte W. S. a dû être appelé à rajeunir l’œuvre très-vraisemblablement attribuée à Marlowe. Le réviseur, selon moi, n’a pas touché au poëme tragique de Locrine ; il s’est borné à y intercaler cet impromptu burlesque qui en est la vive parodie.

William Shakespeare n’était que trop fondé à traiter dédaigneusement une composition comme Locrine. Cette tragédie grandiloque et monotone, fastidieux mélange de pédanterie et de fanatisme, devait lui sembler bien chétive et par la forme et par le fond. Si jamais les circonstances l’appelaient à corriger un pareil opuscule, il devait être bien tenté de donner à cette correction la forme d’une longue épigrammes[1]. Est-ce là le fin mot de la comédie un peu grosse qui contrefait si cavalièrement la tragédie de Locrine ?

Peut-être.

  1. Notons en passant, comme une légère présomption en faveur de l’hypothèse qui impute à Shakespeare la révision de Locrine, que cet ouvrage est sorti de la fameuse presse de Thomas Creede, qui a imprimé successivement Roméo et Juliette, les Joyeuses épouses de Windsor, Henri V et Richard III.