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INTRODUCTION.

II

L’illustration, comme la lumière, engendre l’ombre. La gloire d’olivier Cromwell a obscurci, par son éclat même, la renommée aînée de Thomas Cromwell. L’homme du dix-septième siècle a éclipsé son homonyme, l’homme du seizième. L’histoire, si attentive aux moindres gestes du grand lord protecteur d’Angleterre, se souvient à peine du lord grand chambellan d’Angleterre.

Il y a, dans cet oubli, de l’injustice. C’est une biographie intéressante et curieuse que celle de Thomas Cromwell. Fils d’un forgeron, Thomas était du peuple, comme Olivier. Tout enfant, il avait plus d’une fois aidé à ferrer les chevaux des grands seigneurs qui s’arrêtaient devant l’échoppe de son père, à Putney. C’est de cette mince condition qu’il devait s’élever peu à peu à la plus haute situation sociale que puisse obtenir en Angleterre un sujet de roi. Cette lente ascension, favorisée par les circonstances, fut un chef-d’œuvre de patience, de discrétion et d’adresse politique. Après avoir beaucoup voyagé, après avoir visité les Pays-Bas, la France, l’Italie et l’Espagne, Thomas fut attaché, en qualité de sollicitor, à la personne du cardinal Wolsey, qui le distingua. Le fils du forgeron de Putney eut pour premier appui le fils d’un boucher, prince de l’Église. L’éminentissime parvenu tendit sa main gantée de pourpre à ce nouveau venu d’en bas, le fit monter à côté de lui, puis tomba. La chute de Wolsey pouvait être fatale à sa créature. Mais une bonne action, qu’il avait faite jadis, sauva Cromwell. En Italie, Thomas avait aidé sir John Russell, futur comte de Bedford, à s’évader de Bologne, où ce vaillant chevalier était cerné par les Français. Le moment venu, Russell, qui était fort bien en cour, se souvint du service signalé qui lui avait été rendu,