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LES APOCRYPHES.

le biographe protestant Fox, ce fut un martyr. Les papistes n’ont vu en lui que le démolisseur des couvents. De là leurs injures. Les réformés n’ont vu en lui que le propagateur de la Bible. De là leurs louanges. La vérité est entre ces outrages et ces éloges.

Shakespeare professait pour lord Cromwell une estime sans réserve, s’il faut en juger par l’esquisse qu’il a faite de ce personnage dans Henry VIII. Vous vous rappelez cette attrayante et noble figure. Cromwell ne fait que traverser la scène, et il conquiert en quelques mots toutes les sympathies. Après la chute de Wolsey, quand le cardinal est abandonné de ses serviteurs et renié par ses amis, Cromwell, seul, reste auprès de son bienfaiteur, le console en pleurant avec lui, et lui témoigne, par sa douleur, l’intrépidité de sa reconnaissance. Ce dévouement obstiné à l’adversité, qui est le signe des belles natures, est le trait distinctif que Shakespeare a mis en relief dans le rôle de Cromwell. À la fin de Henry VIII, nous retrouvons Thomas aussi fidèle à la disgrâce de Cranmer qu’il l’a été au malheur de Wolsey. Secrétaire du conseil privé, avec quelle audace il défend le ministre apparemment déchu contre ses ennemis acharnés, Suffolk, Norfolk et Gardiner ! Et, quand le très-catholique évêque de Winchester, outré d’une telle hardiesse, l’accuse de « favoriser la secte nouvelle » et de « n’être pas pur, » avec quelle hauteur Thomas riposte en reprochant à Gardiner « sa scandaleuse existence ! » En exaltant ainsi la grandeur d’âme de Cromwell, Shakespeare a prouvé son admiration pour ce personnage. Cet enthousiasme absolu anime d’un bout à l’autre le drame historique que publia à Londres, en 1602 le libraire William Jones, et que réédita, en 1613, le libraire Thomas Snodham : La vraie chronique historique de la vie entière et de la mort de Thomas lord Cromwell, — telle qu’elle a été plusieurs fois jouée publiquement, — écrite par W. S. Londres