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LE PRODIGUE DE LONDRES.

Je sais que c’est votre bien qu’il dépense, et je suis désolé de voir l’extravagance effrénée qui s’est emparée de lui.

le père flowerdale.

Frère, quelle est sa manière de vivre ? Quelle est la nature de ses fautes ? Si elles ne sentent pas tout-à-fait la damnation, sa jeunesse peut encore excuser son inconduite. J’ai moi-même mené une existence désordonnée jusqu’à trente ans, voire jusqu’à quarante. Eh bien, vous voyez ce que je suis… En effet, dès qu’une fois les vices ont été considérés avec les yeux de la sagesse et dûment pesés dans la balance de la raison, le passé des coupables leur semble si abominable que leur cœur, ce maître de leur personne, s’enterre pour faire place à un être nouveau. Ainsi régénérés, combien ceux qui, dans leur jeunesse, ont pratiqué tous les vices et les ont dépouillés, sont supérieurs à ceux qui, ayant peu connu le mal dans leur jeunesse, s’y précipitent dans leur âge mûr ! — Croyez-moi, frère, ceux qui meurent les plus vertueux ont été souvent les plus vicieux dans leurs jeunes années, et nul ne connaît mieux le danger du feu que celui qui y est tombé… Mais, dites-moi, quel est son genre de vie ? Écoutons les détails.

l’oncle flowerdale.

Eh bien, je vais vous le dire, frère ; il ne fait que jurer et que violer ses serments, ce qui est fort mal.

le père flowerdale.

Je conviens, en effet, qu’il est fort mal de jurer, mais il y a moins de mal à ne pas tenir des serments ainsi faits ; car qui voudrait s’obstiner à une mauvaise chose ? Sur ma parole, je considère ceci plutôt comme une vertu que comme un vice. Allons, poursuivez, je vous prie.

l’oncle flowerdale.

C’est un tapageur fieffé, et il s’attire souvent de mauvais coups.