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LA PURITAINE OU LA VEUVE DE WATLING STREET.

frances.

Cher père !

Lady Plus et Frances sortent.
moll.

Voilà bien des gémissements en vérité ! Je crois que ma mère pleure pour toutes les femmes qui ont jamais enterré des maris ; car, si, de temps immémorial, toutes les larmes des veuves en Angleterre avaient été mises en bouteille, je ne crois pas que le tout eût rempli un cruchon de trois demi-pences. Hélas ! il faut bien peu d’eau pour mouiller un mouchoir, et cette bave-là disparaît bien vite au lavoir de Saint-Thomas. En vérité, je sais, aussi bien qu’un autre, avoir une douleur convenable ; mais, pour une larme que je donne à un père mort, je pourrais aisément accorder vingt baisers à un mari vivant.

Elle sort.
sir godfrey.

Bon ; va ton chemin, vieux sir Godfrey ; tu as le droit d’être fier ; tu as une excellente belle-sœur. Quelle constance ! quelle douleur ! de quel avril débordent les yeux de la pauvre âme ! Ah ! si mon frère pouvait voir cela ! il verrait alors quelle femme aimante il a laissée derrière lui. Ma foi, si je n’étais pas honteux de faire connaître mes sentiments aux voisins du jardin d’à côté, j’éclaterais en lamentations.

Il sort.
edmond.

Bon débarras ! mon père est couché sous terre ; son cercueil et lui forment un parfait pâté de viande, que les vers vont entamer prochainement. Adieu, vieux papa, adieu ! Désormais on ne me fera plus plier ; je m’aperçois qu’un fils unique peut être facilement dupe ; je prendrai mes mesures pour ne pas l’être… Ah ! elle voudrait me voir pleurer pour lui ; morbleu, et pourquoi ?… Parce qu’il a évincé l’héri-