Page:Shakespeare - Œuvres complètes, Laroche, 1842, vol 1.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de nouvel an. Les drôles m’ont jeté à la rivière avec aussi peu de remords qu’ils auraient noyé les petits d’une chienne qui en aurait mis bas une quinzaine. On doit juger par ma taille que j’ai une grande propension à enfoncer ; quand l’eau eût été profonde comme l’enfer, j’aurais été au fond ; je me serais noyé si la rivière n’avait été basse en cet endroit : c’est un genre de trépas que j’abhorre ; car l’eau vous gonfle un homme ; jugez de ce que j’aurais été en cet état, une vraie montagne-cadavre…

Rentre BARDOLPHE, apportant le vin.

BARDOLPHE. Monsieur, madame Vabontrain demande à vous parler.

FALSTAFF. Donne, que j’envoie du Madère à l’eau de la Tamise ; car j’ai de la glace dans le ventre comme si j’avais avalé des boules de neige en guise de pilules pour me rafraîchir la rate. Fais-la entrer.

BARDOLPHE. Entrez, bonne dame.

Entre Mme VABONTRAIN.

Mme VABONTRAIN. Avec votre permission, vous voudrez bien m’excuser : je souhaite le bonjour à votre seigneurie.

FALSTAFF, à Bardolphe. Emporte-moi ces verres ; prépare-moi un bol de vin chaud.

BARDOLPHE. Avec des œufs, monsieur ?

FALSTAFF. Sans mélange : je ne veux point de germe de poulet dans mon breuvage. (Bardolphe sort.) Eh bien ?

Mme VABONTRAIN. Je viens voir votre seigneurie de la part de madame Ford.

FALSTAFF. Madame Ford ! j’en ai assez de votre madame Ford ! elle m’a mis, ma foi, dans un joli état !

Mme VABONTRAIN. Hélas ! la pauvre femme, ce n’est point sa faute ; elle en a bien fait des reproches à ses gens. Ils se sont trompés de direction.

FALSTAFF. Et moi aussi, quand j’ai eu foi en la parole d’une femme imbécile.

Mme VABONTRAIN. Votre cœur saignerait de voir combien elle en est désolée. Son mari va ce matin chasser à l’oiseau ; elle vous prie de revenir la voir entre huit et neuf heures : je dois sur-le-champ lui porter votre réponse : elle vous dédommagera bien, je vous le garantis.