Page:Shakespeare - Œuvres complètes, Laroche, 1842, vol 1.djvu/211

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EVANS. Vous dites qu’on lui a déjà fait prendre un bain dans la rivière, qu’on l’a vigoureusement étrillé sous un costume de vieille femme ; ses terreurs, je pense, l’empêcheront de venir, et sa chair a été assez punie pour qu’il n’ait plus de désirs.

PAGE. Je le pense aussi.

Mme FORD. Avisez à la manière dont vous le traiterez quand il sera venu ; nous deux, nous aviserons au moyen de le faire venir.

Mme PAGE. Une vieille tradition raconte que Herne le chasseur, autrefois l’un des gardes de la forêt de Windsor, revient pendant l’hiver, à l’heure de minuit ; le front surmonté de grandes cornes de cerf, il se promène autour d’un chêne ; sa présence, dit-on, flétrit les arbres, jette un charme sur les troupeaux, transforme en sang le lait des vaches ; il secoue une chaîne avec un bruit terrible. Vous devez avoir entendu parler de ce fantôme, et vous savez que les vieillards superstitieux ont recueilli et nous ont transmis comme vraie cette histoire de Herne le chasseur.

PAGE. À telles enseignes qu’il y a encore beaucoup de gens qui ne s’aventureraient point la nuit à passer dans le voisinage de ce chêne de Herne. Mais où voulez-vous en venir ?

Mme FORD. Le voici : nous donnerons rendez-vous auprès de ce chêne à Falstaff, qui viendra nous y joindre sous le déguisement de Herne le chasseur, la tête surmontée de grandes cornes.

PAGE. Soit ; admettons qu’il y vienne en ce singulier équipage : quand vous l’aurez amené là, qu’en ferez-vous ? quel est votre plan ?

Mme PAGE. Nous y avons songé, et voici ce que nous ferons : nous habillerons en lutins et en fées ma fille Anna, mon fils William, et trois ou quatre autres enfants de leur âge ; nous leur donnerons un costume vert et blanc ; ils auront sur la tête des bougies allumées, et des crécelles à la main ; ils se tiendront cachés dans quelque fossé. Lorsque Falstaff, madame Ford et moi nous serons réunis, ils s’élanceront tout à coup de leur retraite, en entonnant des chants discordants ; à leur vue, nous feindrons l’étonnement et prendrons la fuite. Tous les lutins alors formeront un cercle autour de l’impur chevalier, et lui feront subir mille tortures diverses, lui demandant pourquoi, à cette heure consacrée à leurs magiques ébats, il ose troubler leurs mystères de sa profane présence.