Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/117

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VIOLA.--Non, joli mousse, je dois rester à flot ici un peu plus
longtemps.--(À Olivia.) Pacifiez un peu votre géant, ma chère
dame[26].

[Note 26 : Allusion aux géants préposés à la garde des demoiselles dans
les romans, et à la petite taille de Marie.]

OLIVIA.--Déclarez-moi vos intentions.

VIOLA.--Je suis un messager.

OLIVIA.--Sûrement, vous avez quelque chose de bien affreux à
m’apprendre, puisque le début de votre politesse est si craintif ;
expliquez l’objet de votre message.

VIOLA.--Il n’est destiné qu’à votre oreille ; je ne vous apporte ni
déclaration de guerre, ni imposition d’hommage ; je porte la branche
d’olivier dans ma main : mes paroles sont, comme le sujet, des paroles de
paix.

OLIVIA.--Et cependant vous avez commencé bien brusquement. Qu’êtes-vous ?
Que voulez-vous ?

VIOLA.--Si j’ai montré quelque grossièreté, c’est de mon rôle que je
l’ai empruntée. Ce que je suis et ce que je veux sont des choses aussi
secrètes que la virginité, sacrées pour vos oreilles, profanation pour
toute autre.

OLIVIA, à Marie.--Laissez-nous seuls. Nous désirons connaître ces
choses sacrées. (Marie sort.) Maintenant, monsieur, votre texte ?

VIOLA.--Très-chère dame….

OLIVIA.--Une doctrine vraiment consolante, et sur laquelle on peut dire
beaucoup de choses ! --Où est votre texte ?

VIOLA.--Dans le sein d’Orsino.

OLIVIA.--Dans son sein ? Dans quel chapitre de son sein ?

VIOLA.--Pour vous répondre avec méthode, dans le premier chapitre de son
cœur.

OLIVIA.--Oh ! je l’ai lu ; c’est de l’hérésie toute pure. N’avez-vous rien
de plus à dire ?

VIOLA.--Chère madame, laissez-moi voir votre visage.

OLIVIA.--Avez-vous quelque commission de votre maître à négocier avec
mon visage ? Vous voilà maintenant hors de votre texte ; mais nous allons
tirer le