Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/275

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272 NOTICE

lui permirent pas de mener à fin son en : reprise aussi promptement qu’il l’aurait désiré en sorte que l’ouvrage de Girolamo ne put être publié que longtemps après sa mort : l’édition de 1594 est donc, selon toute apparence, la première, et ne pouvait guère, eu 1595, être déjà venue à la connaissance de Shakspeare.

Mais l’histoire de Roméo et de Juliette, sans doute très-populaire à Vérone, avait déjà fait le sujet d’une nouvelle, composée par Luigi da Porto, et publiée à Venise en 4 535, six ans après la mort de l’auleur, sous le titre de la Giulielta. Cette nouvelle, réimprimée, traduite, imitée dans plusieurs langues, fournit à Arthur Brooke le sujet d’un poëme anglais, publié en 15621, et où Shakspeare a certainement puisé le sujet de sa tragédie. L’imitation est complète. Juliette, dans le poëme de Brooke ainsi que dans la nouvelle de Luigi da Porto, se tue avec le poignard de Roméo, au lieu de mourir de douleur comme dans l’histoire de Girolamo della Corte ; mais ce qu’il y a de singplier, c’est que le poëme d’Arthur Brooke, et Shakspeare qui l’a suivi, fassent mourir Roméo comme dans l’histoire, avant le réveil de Juliette, tandis que, dans la nouvelle de Luigi da Porto, il ne meurt qu’après l’avoir vue se réveiller et avoir eu avec elle une scène de douleur et d’adieux. On a reproché à Shakspeare de ne s’être pas conformé à cette circonstance qui lui fournissait une situation très-pathétique, et on en a conclu qu’il ne connaissait pas la nouvelle italienne, bien que traduite en anglais. Cependant quelques circonstances donnent lieu de croire que Shakspeare connaissait cette traduction. Quant à ses motifs pour préférer le récit du poëte à celui du romancier, il peut en avoir eu plusieurs d’abord, pour s’être écarté en un point si important de la nouvelle de Luigi da Porto, qu’il a suivie scrupuleusement sur presque tous les autres, peut-être Arthur Brooke, l’auteur même du poëme, avait-il eu quelques renseignements sur l’histoire véritable, telle que l’avait racontée Girolamo della Corte, contemporain de Shakspeare ; il aura pu les lui communiquer, et l’exactitude de Shakspeare à se rapprocher, autant qu’il le pouvait, de l’histoire ou des récits reçus comme tels, ne lui aura pas permis d’hésiter dans le choix. D’ailleurs, et c’est probablement ici la vraie raison du poëte, Shakspeare ne fait presque jamais précéder une résolution forte par de longs discours « Les 1 Sous le titre de l’Histoire fragique de Roméo et Jtvliette, fonfenant un exemple rare de vraie fidélité’, avec les subtiles inventions et pratiques d’un vieux moine, et leur fâcheuse issue. Ce poëme a été réimprimé à la suite de Roméo et Juliette dans les grandes éditionsde Shakspeare, entre autres dans celle de Malone.