Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 5.djvu/34

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ronne par le milieu, et que tu as donné à droite et à gauche les deux moitiés, tu as porté ton âne sur ton dos, au milieu de la fange. Tu n’avais guère de cervelle dans la couronne chauve de ton crâne, lorsque tu as laissé aller ta couronne d’or. Si je parle ici comme un fou que je suis, que le premier qui le trouvera soit fouetté. Il chante. Jamais les fous n’ont eu moins de vogue que cette année ; Car les sages sont devenus des écervelés ; Ils ne savent que faire de leur bon sens, Tant leur conduite est baroque.

Lear. – Et depuis quand, je vous en prie, êtes-vous si bien fourni de chansons, maraud ?

Le fou. – C’est mon usage, noncle, depuis que par ta grâce tes filles sont devenues ta mère, quand tu leur as donné les verges et que tu as mis bas tes culottes. Il chante. Alors, saisies de joie, elles ont pleuré ; Et moi, j’ai chanté dans mon chagrin De ce qu’un roi tel que toi jouait à cligne-musette, Et s’allait mettre avec les fous. Je t’en prie, noncle, prends un maître qui puisse enseigner à ton fou à mentir : je voudrais bien apprendre à mentir.

Lear. – Si vous mentez, vaurien, vous serez fouetté.

Le fou. – Je me demande quelle parenté tu as avec tes filles. Elles veulent qu’on me fouette quand je dis la vérité, et toi tu veux me faire fouetter si je mens ; et quelquefois encore je suis fouetté pour n’avoir rien dit. J’aimerais mieux être tout autre chose qu’un fou, et cependant je ne voudrais pas être toi, noncle : tu as rogné ton bon sens des deux côtés, sans rien laisser au milieu – Tiens, voilà une des rognures.

Entre Gonerille.

Lear. – Eh bien ! ma fille, pourquoi as-tu mis ton bon-