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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 7.djvu/173

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de tout mon pouvoir. Il n’a pas eu (Dieu soit loué et béni !) le plus petit accident du monde. Il a conservé le pont le plus facilement, avec une excellente discipline. Il y a là, au pont, un ancien lieutenant ; je crois, sur ma conscience, que c’est un autre Marc Antoine pour la valeur ; cependant c’est un homme qui n’a pas la moindre réputation dans le monde ; mais je lui ai vu faire des choses vaillantes.

Gower. — Comment l’appelez-vous ?

Fluellen. — On l’appelle l’enseigne Pistol.

Gower. — Je ne le connais pas.

(Entre Pistol.)

Fluellen. — Le voilà.

Pistol. — Capitaine, je te prie de me faire un plaisir. Le duc d’Exeter a beaucoup d’amitié pour toi.

Fluellen. — Moi, j’en remercie Dieu ; il est vrai que j’ai mérité d’avoir quelque part dans son amitié.

Pistol. — Un certain Bardolph, soldat intrépide et courageux, a, par un sort cruel et par un tour furieux de l’inconstante roue de cette écervelée de Fortune, cette aveugle déesse qui se balance sur une pierre qui roule sans fin….

Fluellen. — Avec votre permission, enseigne Pistol, la déesse Fortune est représentée aveugle avec un bandeau tenant les yeux pour vous faire entendre que la fortune est aveugle : et on la peint aussi avec une roue, pour vous faire voir, et c’est la morale qu’il en faut tirer, qu’elle tourne toujours et qu’elle est inconstante, et qu’elle n’est que mutabilités et vicissitudes : et son pied, voyez-vous, est posé sur une pierre sphérique qui roule, roule, roule…. A dire vrai, le poëte en fait une très-excellente description : la fortune, voyez-vous, est une excellente morale.

Pistol. — La fortune est l’ennemie de Bardolph, et le regarde d’un mauvais œil ; car il a volé un ciboire, et il doit être pendu : cela fait une vilaine mort. Le gibet est bon pour les chiens ; mais l’homme devrait en être exempt. Ne souffre donc pas que le chanvre lui coupe le sifflet. Exeter a prononcé l’arrêt de mort, pour un ciboire