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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 7.djvu/179

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la touche : oui, la corne de son sabot est plus musicale et plus harmonieuse que la flûte d’Hermès.

Le Duc d’Orléan. — Il est couleur de muscade.

Le dauphin. — Et chaud comme le gingembre. C’est un coursier digne de Persée : il n’est formé que d’air et de feu. Si l’on découvre en lui quelque mélange des grossiers éléments de la terre et de l’eau, ce n’est que dans sa patiente tranquillité, lorsque son maître le monte. C’est là ce qui s’appelle un cheval ; et tous les autres, auprès de lui, ne méritent que le nom de bêtes de somme.

Le connétable. — Oui, prince, on peut dire que c’est le cheval le plus accompli et le plus excellent qu’il y ait.

Le dauphin. — C’est le prince des coursiers : son hennissement ressemble à la voix impérieuse d’un monarque, et son port majestueux vous force à lui rendre hommage….

Le Duc d’Orléan. — Allons, en voilà assez sur ce sujet, mon cousin.

Le dauphin. — Je dis plus encore, il faut n’avoir pas l’ombre d’esprit pour n’être pas en état, depuis le lever de l’alouette jusqu’au coucher de l’agneau, de chanter les louanges de mon cheval sans se répéter : c’est un sujet aussi inépuisable que la mer. Faites des langues éloquentes de tous les grains de sable, mon cheval peut les occuper toutes. Il est digne d’être loué par un souverain et monté par le souverain d’un souverain. Enfin, il mérite que tout l’univers, connu et inconnu, ne fasse autre chose que de l’admirer. J’ai fait un jour un sonnet à sa louange, qui commençait ainsi : Merveille de la nature.

Le Duc d’Orléan. — J’ai vu un sonnet pour une maîtresse qui commençait de même.

Le dauphin. — Eh bien, ils auront donc imité celui que j’ai composé pour mon coursier, car mon cheval est ma maîtresse.

Le Duc d’Orléan. — Votre maîtresse porte bien.

Le dauphin. — Oui, moi seul ; c’est là le mérite, la perfection exigée d’une bonne maîtresse.