Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 7.djvu/189

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en lui qu’un homme ; et quoique ses affections soient montées plus haut que les nôtres, cependant quand elles s’affaissent, elles descendent aussi rapidement qu’elles étaient montées. Par conséquent, quand il voit qu’il a sujet d’appréhender, comme nous le voyons, il n’est pas douteux que la crainte doit produire chez lui la même sensation que chez nous : c’est pourquoi il ne conviendrait pas que personne lui inspirât la moindre alarme, de peur que, s’il venait à la laisser voir, cela ne décourageât son armée.

Bates. — Qu’il montre autant de courage qu’il voudra, je gage que, malgré tout le froid qu’il fait cette nuit, il ne serait pas fâché de se voir plongé dans la Tamise jusqu’au cou ; pour moi, je vous assure que je voudrais l’y voir, et moi y être à côté de lui à toute aventure, pourvu que nous fussions hors d’ici.

Le roi. — Ma foi, je vous dirai franchement, d’après ma conscience, ce que je pense du roi. Je crois, sur mon honneur, qu’il ne souhaite pas de se voir ailleurs que là où il est.

Bates. — Dans ce cas, je voudrais qu’il fût ici tout seul : cela ferait qu’il serait bien sûr d’être rançonné, et cela sauverait la vie à bien des pauvres malheureux.

Le roi. — Je suis persuadé que vous ne lui voulez pas assez de mal pour souhaiter qu’il fût ici tout seul. Tout ce que vous dites là, j’en suis sûr, n’est que pour sonder les gens, et savoir ce qu’ils pensent. Quant à moi, il me semble que je ne pourrais désirer de mourir en aucun autre endroit qu’en la compagnie du roi, surtout sa cause étant aussi juste, et sa querelle aussi honorable.

Williams. — C’est plus que nous n’en savons.

Bates. — Ou plus que nous ne devrions chercher à pénétrer ; car tout ce que nous avons besoin de savoir, c’est que nous sommes sujets du roi. Si sa cause est injuste, l’obéissance que nous lui devons efface pour nous le crime, et nous en absout.

Williams. — Mais aussi, si la cause est injuste, le roi lui-même a un terrible compte à rendre, lorsque toutes ces jambes, ces bras et ces têtes, qui auront été coupés