c’était dans un endroit où je ne pouvais pas élever de dispute avec lui ; mais je prendrai la liberté de le porter en emblème à mon chapeau, jusqu’à ce que je le retrouve, et puis je lui dirai un petit morceau de mon sentiment.
(Entre Pistol.)
Gower. — Ma foi, le voilà qui vient en se rengorgeant comme un paon.
Fluellen. — Tous ses rengorgements et ses paons n’y font rien. — Dieu vous assiste, vieux Pistol, infâme et misérable vaurien, Dieu vous assiste !
Pistol. — Ah ! sors-tu de Bedlam[1], toi ? Est-ce que tu veux, vil Troyen, que je déchire la toile fatale dont la Parque ourdit ta trame. Retire-toi de moi ; l’odeur du poireau me donne des vapeurs.
Fluellen. — Je vous prie en grâce, monsieur le drôle, l’impertinent, à mon désir, à ma requête et à ma supplique, de manger, voyez-vous, ce poireau : précisément, voyez-vous, parce que vous ne l’aimez pas, et vos affections, vos appétits et vos digestions ne s’accordent point avec cela : je vous prie de vouloir bien le manger.
Pistol. — Non, pardieu, pour Cadwallader[2], et toutes ses chèvres, je ne le mangerai pas.
Fluellen. — Tiens, voilà une chèvre pour toi. (Il le frappe.) — Voudriez-vous avoir la bonté de le manger tout à l’heure ?
Pistol. — Infâme Troyen, tu mourras.
Fluellen. — Vous avez raison, maraud ; quand il plaira à Dieu : en même temps je vous prierai de vouloir vivre, afin de manger votre dîner. Tiens, voilà un peu d’assaisonnement avec. (Il le frappe.) Vous m’avez appelé hier gentilhomme de montagne ; mais je vous ferai aujourd’hui gentilhomme de bas étage. Je vous en prie, commencez donc : pardieu, si vous pouvez bien goguenarder un poireau, vous pouvez bien le manger aussi.