Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 7.djvu/230

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baiser avant d’être mariées. N’est-ce pas ce qu’elle a voulu dire ?

Alix. — Oui vraiment.

Le roi. — Oh ! Catherine, les vaines modes cèdent à la puissance des rois. Ma chère Catherine, nous ne saurions, vous et moi, être compris dans la liste vulgaire de ceux qui doivent se soumettre aux usages d’un pays. C’est nous, Catherine, qui faisons les usages ; et la liberté, qui marche à notre suite, ferme la bouche à la censure, comme je veux, pour vous punir de votre attachement aux petites modes de votre pays, fermer la vôtre par un baiser : ainsi, de la complaisance…. et de bonne grâce, je vous prie. (Il l’embrasse.) Vous avez un charme sur les lèvres ! La seule impression de leur douce ambroisie a plus d’éloquence que toutes les voix du conseil de France, et elles persuaderaient bien plus vite Henri d’Angleterre qu’une pétition générale des monarques. Votre père vient à nous.

(Entrent le roi et la reine de France, le duc de Bourgogne, Bedford, Glocester, Exeter, Westmoreland et autres seigneurs anglais et français.)

Le Duc de Bourgogne. — Dieu garde Votre Majesté ! Étiez-vous là, mon cousin, occupé à enseigner l’anglais à notre princesse ?

Le roi. — Je voulais lui enseigner, mon beau cousin, combien je l’aime ; et c’est là, je vous l’assure, du bon anglais.

Le Duc de Bourgogne. — A-t-elle des dispositions ?

Le roi. — Notre langue est un peu dure, cousin, et mon caractère n’est pas doucereux ; de sorte que n’ayant pour moi ni la voix, ni le cœur de l’adulation, je n’ai pas l’art magique de conjurer en elle l’esprit d’amour, de manière à l’engager à se montrer sans voile et sous ses traits naturels.

Le Duc de Bourgogne. — Pardonnez à la franchise de ma gaieté si je vous réponds à cela. Si vous voulez conjurer en elle, il vous faut faire un cercle ; si vous voulez conjurer l’amour en elle tel qu’il est, il faut qu’il paraisse nu et aveugle. Or, en ce cas, pouvez-vous blâmer