Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 4.djvu/328

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CAMILLO.—Dans cette affaire, seigneur ? Je crois que tout le monde comprend que le roi de Bohême fait ici un plus long séjour.

LÉONTES.—Tu dis ?

CAMILLO.—Qu’il fait ici un plus long séjour.

LÉONTES.—Oui, mais pourquoi ?

CAMILLO.—Pour satisfaire Votre Majesté et se rendre aux instances de notre gracieuse souveraine.

LÉONTES.—Se rendre aux instances de votre souveraine ? se rendre ? Je n’en veux pas davantage.—Camillo, je t’ai confié les plus chers secrets de mon cœur aussi bien que ceux de mon conseil ; et, comme un prêtre, tu as purifié mon sein ; je t’ai toujours quitté comme un pénitent converti : mais je me suis trompé sur ton intégrité, c’est-à-dire trompé sur ce qui m’en offrait l’apparence.

CAMILLO.—Que le ciel m’en préserve, seigneur !

LÉONTES.—Oui, de le souffrir.—Tu n’es pas honnête, ou, si ton penchant t’y porte, tu es un lâche qui coupes le jarret à l’honnêteté et l’empêches de suivre sa course naturelle ; ou autrement, il faut te regarder comme un serviteur initié dans ma confiance intime et négligent à y répondre ; ou bien comme un insensé qui voit chez moi jouer un jeu où je perds le plus riche de mes trésors, et qui prend le tout en badinage.

CAMILLO.—Mon noble souverain, je puis être négligent, insensé et timide ; nul homme n’est si exempt de ces défauts que sa négligence, sa folie et sa timidité ne se montrent quelquefois dans la multitude infinie des affaires de ce monde. Si jamais, seigneur, j’ai été négligent dans les vôtres à dessein, c’est une folie à moi ; si jamais j’ai joué exprès le rôle d’un insensé, ç’aura été par négligence et faute de réfléchir assez aux conséquences ; si jamais la crainte m’a fait hésiter dans une entreprise dont l’issue me semblait douteuse et dont l’exécution était réclamée à grands cris par la nécessité, ç’a été par une timidité qui souvent attaque le plus sage. Ce sont là, seigneur, autant d’infirmités ordinaires dont l’homme le plus honnête n’est jamais exempt. Mais,