Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 4.djvu/359

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et les causes de leur mort y seront inscrites, à ma honte éternelle. Une fois le jour, j’irai visiter la chapelle où ils reposeront, et mon plaisir sera d’y verser des larmes. Je fais vœu de consacrer mes jours à ce devoir, aussi longtemps que la nature voudra m’en donner la force.—Venez, conduisez-moi vers les objets de ma douleur.

(Ils sortent.)


Scène III

Un désert de la Bohême voisin de la mer.

ANTIGONE portant l’enfant, et un MATELOT.

ANTIGONE.—Tu es donc bien sûr que notre vaisseau a touché les côtes désertes de la Bohême ?

LE MARINIER.—Oui, seigneur, et j’ai bien peur que nous n’y ayons débarqué dans un mauvais moment ; le ciel a l’air courroucé et nous menace de violentes rafales. Sur ma conscience, les dieux sont irrités de notre entreprise et nous témoignent leur colère.

ANTIGONE.—Que leurs saintes volontés s’accomplissent ! Va, retourne à bord, veille sur ta barque, je ne serai pas longtemps à t’aller rejoindre.

LE MARINIER.—Hâtez-vous le plus possible, et ne vous avancez pas trop loin dans les terres ; nous aurons probablement du mauvais temps : d’ailleurs, le désert est fameux par les animaux féroces dont il est infesté.

ANTIGONE.—Va toujours : je vais te suivre dans un moment.

LE MARINIER.—Je suis bien joyeux d’être ainsi débarrassé de cette affaire.

(Il sort.)

ANTIGONE.—Viens, pauvre enfant.—J’ai ouï dire (mais sans y croire) que les âmes des morts revenaient quelquefois ; si cela est possible, ta mère m’a apparu la nuit dernière : car jamais rêve ne ressembla autant à la veille. Je vois s’avancer à moi une femme, la tête penchée tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Jamais je n’ai vu objet si rempli de douleur et conservant tant de noblesse : vêtue