Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 4.djvu/383

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

hommes, la terre, les cieux et l’univers entier ; soyez tous témoins que, fussé-je couronné le plus grand monarque du monde et le plus puissant, fussé-je le plus beau jeune homme qui ai fait languir les yeux, eussé-je plus de force et de science que n’en ait jamais eu un mortel, je n’en ferais aucun cas sans son amour, que je les emploierais tous et les consacrerais tous à son service, ou les condamnerais à périr.

POLIXÈNE.—Belle offrande !

CAMILLO.—Qui montre une affection durable.

LE BERGER.—Mais vous, ma fille, en dites-vous autant pour lui ?

PERDITA.—Je ne puis m’exprimer aussi bien, pas à beaucoup près aussi bien, non, ni penser mieux ; je juge de la pureté de ses sentiments sur celle des miens.

LE BERGER.—Prenez-vous les mains, c’est un marché fait.—Et vous, amis inconnus, vous en rendrez témoignage ; je donne ma fille à ce jeune homme, et je veux que sa dot égale la fortune de son amant.

FLORIZEL.—Oh ! la dot de votre fille doit être ses vertus. Après une certaine mort, j’aurai plus de richesses que vous ne pouvez l’imaginer encore, assez pour exciter votre surprise ; mais, allons, unissons-nous en présence de ces témoins.

LE BERGER, à Florizel.—Allons, voire main.—Et vous, ma fille, la vôtre.

POLIXÈNE.—Arrêtez, berger ; un moment, je vous en conjure.—(A Florizel.) Avez-vous un père ?

FLORIZEL.—J’en ai un.—Mais que prétendez-vous ?

POLIXÈNE.—Sait-il ceci ?

FLORIZEL.—Il ne le sait pas et ne le saura jamais.

POLIXÈNE.—Il me semble pourtant qu’un père est l’hôte qui sied le mieux au festin des noces de son fils. Je vous prie, encore un mot : votre père n’est-il pas incapable de gouverner ses affaires ? n’est-il pas tombé en enfance par les années et les catarrhes de l’âge ? peut-il parler, entendre, distinguer un homme d’un autre, administrer son bien ? n’est-il pas toujours au lit, incapable de rien faire que ce qu’il faisait dans son enfance ?