Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 4.djvu/390

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AUTOLYCUS.—Ah ! quelle dupe que l’honnêteté ! et que la confiance, sa sœur inséparable, est une sotte fille ! J’ai vendu toute ma drogue : il ne me reste pas une pierre fausse, pas un ruban, pas un miroir, pas une boule de parfums, ni bijou, ni tablettes, ni ballade, ni couteau, ni lacet, ni gants, ni ruban de soulier, ni bracelet, ni anneau de corne ; pour empêcher ma balle de jeûner, ils sont accourus, à qui achèterait le premier, comme si mes bagatelles avaient été bénies et pouvaient procurer la bénédiction du ciel à l’acheteur : par ce moyen, j’ai observé ceux dont la bourse avait la meilleure mine, et ce que j’ai vu, je m’en suis souvenu pour mon profit. Mon paysan, à qui il ne manque que bien peu de chose pour être un homme raisonnable, est devenu si amoureux des chansons des filles, qu’il n’a pas voulu bouger un pied qu’il n’ait eu l’air et les paroles ; ce qui m’a si bien attiré le reste du troupeau, que tous leurs autres sens s’étaient fixés dans leurs oreilles : vous auriez pu pincer un jupon, sans qu’il l’eût senti : ce n’était rien que de dépouiller un gousset de sa bourse : j’aurais enfilé toutes les clefs qui pendaient aux chaînes ; on n’entendait, on ne sentait que la chanson de mon monsieur, et on n’admirait que cette niaiserie. En sorte que, pendant cette léthargie, j’ai escamoté et coupé la plupart de leurs bourses de fête ; si le vieux berger n’était pas venu avec ses cris contre sa fille et le fils du roi, s’il n’eût pas chassé nos corneilles loin de la balle de blé, je n’eusse pas laissé une bourse en vie dans toute l’assemblée.

(Camille, Florizel et Perdita s’avancent.)

CAMILLO.—Oui, mais mes lettres qui, par ce moyen, seront rendues en Sicile aussitôt que vous y arriverez, éclairciront ce doute.

FLORIZEL.—Et celles que vous vous procurerez de la part du roi Léontes…

CAMILLO.—Satisferont votre père.

PERDITA.—Soyez à jamais heureux ! Tout ce que vous dites a belle apparence.

CAMILLO, apercevant Autolycus.—Quel est cet homme qui