Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 4.djvu/400

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sur ce théâtre où nous l’outrageons en ce moment ; et à me dire, dans les tourments de son cœur : Pourquoi plutôt moi ?

PAULINE.—Si elle avait le pouvoir de le faire, elle en aurait une juste raison.

LÉONTES.—Oui, bien juste : et elle m’exciterait à poignarder celle que j’aurais épousée.

PAULINE.—Je le ferais comme elle : si j’étais le fantôme qui revint, je vous dirais de considérer les yeux de votre nouvelle épouse, et de me dire pour quels attraits vous l’auriez choisie ; et ensuite je pousserais un cri en vous adressant ces mots : Souviens-toi de moi.

LÉONTES.—Les étoiles, les étoiles mêmes, et tous les yeux du monde ne sont auprès des siens que des charbons éteints ! Ne craignez point une autre épouse ; je ne veux plus de femme, Pauline.

PAULINE.—Voulez-vous jurer de ne jamais vous marier que de mon libre consentement ?

LÉONTES.—Jamais, Pauline ; je le jure sur le salut de mon âme.

PAULINE.—Vous l’entendez, seigneurs, soyez tous témoins de son serment.

CLÉOMÈNE.—Vous le tentez au delà de toute mesure.

PAULINE.—A moins qu’une autre femme, ressemblant autant à Hermione que son portrait, ne se présente à ses yeux.

CLÉOMÈNE.—Chère dame…

PAULINE.—J’ai dit.—Cependant, si mon roi veut se marier…—Oui, si vous le voulez seigneur, et qu’il n’y ait pas de moyen de vous en ôter la volonté, donnez-moi l’office de vous choisir une reine ; elle ne sera pas aussi jeune que l’était la première ; mais elle sera telle que, si l’ombre de votre première reine revenait, elle se réjouirait de vous voir dans ses bras.

LÉONTES.—Ma fidèle Pauline, nous ne nous marierons point que sur votre avis.

PAULINE.—Et je vous le conseillerai, quand votre première reine reviendra à la vie ; jamais auparavant.

(Entre un gentilhomme.)