Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 4.djvu/415

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une seconde fois ; car vous lui donneriez deux fois la mort.—Allons, présentez-lui votre main : lorsqu’elle était jeune, c’était vous qui lui faisiez la cour ; à présent qu’elle est plus âgée, c’est elle qui vous prévient.

LÉONTES, en l’embrassant.—Oh ! sa main est chaude ! Si ceci est de la magie, que ce soit un art aussi légitime que de manger.

POLIXÈNE.—Elle l’embrasse !

CAMILLO.—Elle se suspend à son cou ! Si elle appartient à la vie, qu’elle parle donc aussi !

POLIXÈNE.—Oui, et qu’elle nous révèle où elle a vécu, ou comment elle s’est échappée du milieu des morts ?

PAULINE.—Si l’on n’eût fait que vous dire qu’elle était vivante, vous auriez bafoué cette idée comme un vieux conte : mais vous voyez qu’elle vit, quoiqu’elle ne parle pas encore. Faites attention un petit moment.—(A Perdita.) Voudriez-vous, belle princesse, vous jeter entre elle et le roi ? tombez à ses genoux, et demandez la bénédiction de votre mère. (A Hermione.) Tournez-vous de ce côté, chère reine, notre Perdita est retrouvée.

(Elle lui présente Perdita, qui s’agenouille aux pieds d’Hermione.)

HERMIONE, prenant la parole.—O vous, dieux ! abaissez ici vos regards, et de vos urnes sacrées versez toutes vos grâces sur la tête de ma fille ! (A sa fille.) Dis-moi, ma fille, où tu as été conservée ? Où tu as vécu ? Comment as-tu retrouvé la cour de ton père ? Car, sachant par Pauline que l’oracle avait donné l’espérance que tu étais en vie, je me suis conservée pour en voir l’accomplissement.

PAULINE.—Il y aura assez de temps pour cela.—De crainte que les spectateurs, excités par cet exemple, n’aient l’envie de troubler votre joie par de pareilles relations,—allez ensemble, vous tous qui retrouvez en ce moment quelque bonheur : et communiquez à chacun votre allégresse : moi, tourterelle vieillie, je vais me reposer sur quelque rameau flétri, et là pleurer mon compagnon, que jamais je ne retrouverai qu’en mourant moi-même.